Paul Valéry, La Mer, la mer toujours recommencée !

Parfait pour la saison

Que vous par­tiez bien­tôt vers la mer ou que vous ne puis­siez pas le faire, voici le livre tout dési­gné, à empor­ter non pas dans une valise, mais dans une poche.
Ces textes choi­sis de Paul Valéry vous feront savou­rer de riches heures pas­sées au bord de la mer ou dans l’eau, qu’il s’agisse des poèmes les plus célèbres – l’incontournable “Cime­tière marin“, tou­jours aussi sur­pre­nant 104 ans après sa paru­tion – ou de mor­ceaux de prose tan­tôt méta­phy­siques, tan­tôt des­crip­tifs, tan­tôt inso­lites comme la lettre adres­sée par Valéry à sa fille âgée de 6 ans (p. 33).

A titre d’exemple de la jubi­la­tion qui s’empare de l’auteur dès qu’il s’approche de l’élément liquide, citons ce début de poème : “Eté, roche d’air pur, et toi, ardente ruche / Ô mer ! Epar­pillée en mille mouches sur / Les touffes d’une chair fraîche comme une cruche / Et jusque dans la bouche où bour­donne l’azur“ (“Eté“, p. 31). La suite n’est pas moins réjouis­sante, oscil­lant entre des nota­tions visuelles des plus élo­quentes et des appels aux autres sens.
Si jamais vous faites par­tie des lec­teurs pour les­quels Paul Valéry demeure un Mon­sieur Teste céré­bral au point d’être rebu­tant, vous serez vite détrompé en feuille­tant ce volume qui regorge de plai­sirs physiques.

Né à Sète, l’auteur a natu­rel­le­ment un faible pro­noncé pour la Médi­ter­ra­née, mais ce n’est pas pour autant qu’il manque d’intérêt pour ce que l’océan a de typique : “L’écume ici forme des bancs très durables, qui figurent un petit mur de bulles, irisé, sale cre­vard, le long du plus haut flot. Le vent chasse des chats et des mou­tons nés de cette matière, les souffle et les fait cou­rir le plus drô­le­ment du monde vers les dunes, comme effrayés par la mer. Cette écume est autre chose que de l’eau bat­tue. Emul­sion sale de silice et de sel.“ (p. 47), où l’allitération finale rend délec­table jusque l’idée de saleté.
On ne résiste pas à la ten­ta­tion de citer aussi ce para­graphe qui peut ser­vir à résu­mer l’état d’esprit le plus fré­quent du poète dans ce recueil : “Homme heu­reux aux pieds nus, je marche ivre de marche sur le miroir sans cesse repoli par le flot infi­ni­ment mince.“ (p. 51).

A l’heure où nombre de médias vous recom­mandent, en guise de lec­ture esti­vale, de gros romans jetables et inter­chan­geables, féli­ci­tons les édi­tions Rivages de nous offrir un volume de haute lit­té­ra­ture, qu’on a envie de relire dès qu’on l’a refermé.

agathe de lastyns

Paul Valéry, La Mer, la mer tou­jours recom­men­cée !, Rivages, coll. Petite biblio­thèque, juin 2024, 288 p. – 9,50 €.

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