Dans ce roman, Jean-Christophe Portes conjugue la Libération de Paris, la course à l’armement nucléaire et la description des conditions de subsistance dans un camp de déportation.
Autour de ses deux héros, il compose une suite d’actions, mettant en scène des faits réels et des péripéties de fiction pour animer une intrigue dense, tendue, d’une belle variété dans les rebondissements. Il intègre des structures et des personnages authentiques.
Il en est ainsi de Joliot-Curie qui avait, avec une équipe, fait des stocks très importants d’uranium et d’eau lourde avant l’entrée en guerre en 1939. Pash dirige ALSOS, une partie renseignement du projet Manhattan qui avait pour objectif de fabriquer une bombe atomique aux USA. Le romancier respecte l’esprit et les principales étapes dans la traque de Joliot-Curie découvreur du principe de réaction en chaîne. De plus, il est avéré que de nombreux physiciens du Reich travaillaient sur la fission atomique. Toutefois, si celui-ci n’a, semble-t-il pas livré ces matières premières aux nazis, il était un communiste convaincu. Or le Parti Communiste, pour plaire à Staline, pouvait…
Il était bien improbable que ces deux-là se rencontrent. Lizzie Beresford fait partie de la noblesse anglaise. Cette petite cousine de Winston Churchill ne fréquente que la haute société. Maurice Ferrano, dit Mo les Yeux-Bleus, a grandi dans une famille pauvre en Corse. C’est parce qu’il gravite dans l’univers des frères Guerini qu’il accède à un bon niveau de revenus. Mais la guerre, même abjecte, ignoble, offre des moments de grâce.
Lizzie va être recrutée par le MI6 pour espionner des nazis à Paris. Mo, qui doit fuir Marseille où il officiait dans des affaires délictueuses, rejoint Paris. Si le hasard fait bien les choses, le destin le fait toujours payer. Lizzie, démasquée est arrêtée par la Gestapo, torturée. Mo va la sortir des griffes nazies mais, blessé, il est fait prisonnier, interné à Fresnes puis au camp de Compiègne.
Ce nouveau volet de la série trouve Lizzie sous l’uniforme américain des WAC (Women’s Army Corps), recrutée comme assistante et secrétaire du lieutenant-colonel Boris Pash pour une mission à haut risques dans la France d’août 1944, alors que Paris se libère. Mo tente de s’évader du camp en essayant d’escalader un mur de barbelés. Il échoue et fait partie du convoi en partance pour Buchenwald.
Lizzie et Pash recherchent Frédéric Joliot-Curie, prix Nobel de physique, qui a mis au point un procédé enrichissant l’uranium. Les Américains craignent que les nazis se soient emparés de cette découverte pour fabriquer l’arme d’apocalypse annoncée par Hitler. Ils ont aussi, en arrière-pensée, de pouvoir se l’approprier. Or, le physicien est communiste.
Mais Lizzie s’est portée volontaire pour pouvoir revenir en France et retrouver Mo. Or, celui-ci tente de survivre dans l’univers concentrationnaire et se trouve engagé dans une opération secrète…
Le romancier fait revivre avec son héroïne une partie de la libération de Paris, celle-ci fréquentant quelques acteurs illustres dans les lieux. Parallèlement, il s’appuie sur des témoignages de déportés pour raconter le voyage effrayant en wagon de son héros et la survie dans les camps. Toutefois, il compose avec ces éléments des phases de fiction qui donnent à l’intrigue tout son tonus, rendant à celle-ci une tension qui va s’exacerbant. Installant une alternance de chapitres détaillant les parcours de Lizzie et de Mo, il renforce un tempo permettant de vivre leurs péripéties respectives.
Ce second volet est particulièrement riche en informations de toutes natures sur cette période, Jean-Christophe Portes s’appuyant sur une documentation dense, pertinente, et un art subtil et efficace de mêler la réalité et la fiction.
serge perraud
Jean-Christophe Portes, Apocalypse Amerika, Hugo, coll. “Thriller”, avril 2024, 432 p. — 19,95 €.