Né à Alexandrie, d’origine libanaise, Fouad El-Etr fut élevé dans trois langues : française, anglaise, arabe. Il s’est fait connaître en France grâce aux éditions La Délirante qu’il créa en 1967, consacrées aux poètes et peintres : Yeats, Shelley, Dante, Balthus, Botero, etc.. Il est le traducteur de ceux-ci comme aussi de Bashô, Buson, Cavalcanti, Synge et Yeats. Après des recueils de poésie essentiels tels que Comme une pieuvre que son encre efface, Irascible Silence, Là où finit son corps, il publia chez Gallimard En mémoire d’une saison de pluie (2021).
Ecrit en deux morceaux à cinquante ans d’intervalle, ce livre est l’histoire de l’amitié créatrice entre l’auteur et le peintre Sam Szafran. Celui-ci se consacra aux thèmes de l’escalier, de la fuite, du passage et du vertige. S’y retrouvent témoignages, lettres réflexions sur l’art et un mélange de prose. Le seconde partie ressemble plus à une pure autobiographie.
Dans ses textes, tout demeure complexe, léger, multiple avec en filigrane l’ombre tutélaire de Mallarmé le flamboyant, celui qui, selon Fouad El Etr, et plus que tout autre réveille l’esprit même lorsqu’il jouxte « avec le rien, le degré juste au-dessous du peu ».
Un tel livre ouvre le langage et l’être sur ses abîmes et parfois ses clartés. Il fait sauter les carcans et les jougs à l’aide de « modèles » qui décorsètent le logos admis des sociétés. L’auteur touche à notre plaisir comme à nos possibilités d’angoisse puisque nos certitudes se voient interpelées par les incursions intempestives de deux êtres qui restent des fils du désert.
Ils viennent y boire les mots de l’auteur et les images du peintre. D’où le feuillage humain au sein de cette écriture et pour que la vie ait encore à rendre bien plus qu’un fantôme. L’auteur, via son ami, lui rend tout ce que la mort lui a volé.
jean-paul gavard-perret
Fouad El Etr, L’escalier de la rue de Seine, L’Atelier Contemporain, Strasbourg, 2024, 278 p. — 25,00 €.