Marécage est un territoire maudit, aux limites indéfinies, peuplé d’étranges créatures. Inhospitalier, il est le lieu où le royaume déporte les criminels. Mais c’est là que le capitaine de la garde a décidé de cacher Ysaut, l’héritière du trône, pour éviter qu’elle ne soit la victime de trop nombreux complots.
Dans le royaume de Palantia, la paix a été signée entre le duc Anselme et le prince Oblonsky. Dans la tour de l’Académie, à Mont Royal, la capitale, un groupe d’individus identifiés par un numéro, portant des masques, décide de la destinée du royaume. Le roi Christian, monté sur le trône après la disparition de la princesse Ysaut, leur convient. Même s’il revient cher, les profits sont conséquents.
C’est à la demande de son père, le duc Anselme, que Prospero, faisant retraite dans un monastère, accepte de revenir à la cour. Dans les marécages, la situation se dégrade, l’équilibre des tribus est menacé avec l’arrivée massive de tous ces bannis pour des broutilles, pour ne pas pouvoir payer les impôts de plus en plus lourds. C’est là qu’Angelika, le grand amour de Prospero, s’est réfugiée sous le nom de Sombra. Elle concourt à faire gagner une bataille. Mais Prospero veut plus qu’une simple place à la cour et Sombra veut partir à la recherche de créatures mythiques réputées dangereuses…
C’est dans une atmosphère de complots, de batailles, de duels, qu’Antonio Zurera Aragón déploie son histoire. Il propose un univers animalier avec des personnages à l’anatomie proche de l’humain ou franchement à l’image des animaux. Cependant, il compose des races hybrides à partir d’une combinaison de plusieurs bêtes.
Deux personnages principaux se partagent les feux de la rampe dans cet album. D’abord Prospero de la Hire, un bâtard du roi Anselme, qui a été élevé à la cour avec ses cousins. Il ne donne cependant pas satisfaction à son père par son attitude de grand bambocheur, préférant la fréquentation des bouges et des bordels. Puis, cette mystérieuse Sombra qui est à la recherche d’elle-même après avoir vécu un grand choc jusqu’à vouloir gommer son hérédité et son identité.
Si le récit comporte de nombreuses scènes épiques, le scénariste introduit dans son univers des éléments relatifs à notre société, à notre civilisation. Ce marécage est à l’image des zones oubliées par le pouvoir, ces zones rurales où les services n’existent plus, qui ressemblent de plus en plus à des déserts où la population s’adapte. Ce sont aussi les migrations et l’accueil de tous ceux qui fuient dictatures et massacres. C’est le coût d’une guerre qui appauvri un peuple au profit d’une poignée de nantis. Mais c’est aussi l’espoir d’un meilleur avenir.
Le scénariste assure le dessin, un graphisme puissant, généreux, foisonnant où le trait vif déborde d’énergie. Il multiplie les détails et anime de belle manière son monde animalier. La mise en couleur est l’œuvre de Hiroyuki Ooshima qui donne une puissance supplémentaire et enchante les planches.
Avec ce second tome, l’histoire continue à être passionnante avec une intrigue qui multiplie les rebondissements tout en offrant, avec ce graphisme spectaculaire, un régal pour le regard.
serge perraud
Antonio Zurera Aragón (scénario et dessin) & Hiroyuki Ooshima (couleurs), Marécage — t.02 : Prospero, Dupuis, coll. “Grand Public”, mai 2024, 120 p. — 21,95 €.