Un spectacle original, qui se risque à la participation du public
Cela se présente comme par plans superposés : du texte, de la scène, des chants. Le décor est griffé de croquis, comme des esquisses de designer. Il y a un côté atelier d’artiste expérimental dans cet agencement bobo. L’argument ne reste pas longtemps hors dire : la tension s’instaure entre des journalistes indépendants et les instances de la responsabilité, entre le médecin intègre et son frère imbu de pouvoir, entre les aspirations de l’idéal et les exigences de la vie. Le propos déploie la rivalité de deux mondes, de deux caractères, de deux esprits. Les acteurs sont vifs, pleins d’acuité, le propos est toujours émaillé de traits d’humour, même s’il semble longtemps figé dans l’exploration de son alternative indécidable. C’est qu’il n’y a pas de méchant, il n’y a que des complices.
Heureusement vient la harangue du révélateur Stockmann : c’est l’occasion d’un discours digne d’anthologie, que Thomas Ostermeier choisit d’ouvrir sur une discussion animée par la salle : peu à peu les spectateurs participent, souvent d’ailleurs en se rapportant aux termes du débat, les acteurs encourageant le public de leur interpellation. C’est pétillant, revigorant, un moment. Car le spectacle a ses longueurs : ces interventions sans lien, comme la procession, dans la première partie, des autorités faisant pression sur Stockmann, risquent d’apparaître durer un peu trop. Un spectacle original, qui se risque à la participation du public, généreuse mais toujours un brin périlleuse. Mais la représentation est intéressante, édifiante, elle met bien en valeur les ambiguïtés des personnages et des situations construites par Ibsen.
christophe giolito
Un ennemi du peuple de Henrik Ibsen
Schaubühne Cie Thomas Ostermeier
en allemand, surtitré en français
Avec Thomas Bading, Christoph Gawenda, Moritz Gottwald, Ingo Hülsmann, Eva Meckbach, David Ruland, Stefan Stern
Adaptation & dramaturgie Florian Borchmeyer ; mise en scène Thomas Ostermeier ; scénographie Jan Pappelbaum ; costumes Nina Wetzel ; musique Malte Beckenbach Daniel Freitag ; lumières Erich Schneider ; dessins muraux Katharina Ziemke.
Au théâtre de la Ville, Place du Chatelet, 75004Théâtre de la Ville |
Du 27 janvier au 2 février 2014 |
Du lundi 27 au mercredi 29 janvier 2014 à 20h30, le vendredi 31 janvier 2014 à 20h30, le samedi 1 février 2014 à 14h00, le samedi 1 février 2014 à 21h00, le dimanche 2 février 2014 à 15h00. Durée 2h.
Le texte de la pièce (1882) est paru aux éditions Reclam.