Dans une écriture, suave, délicieusement lyrique, l’auteur a conçu sa fiction pour lever bien des leurres. Ce roman d’une chanson trop douce met justement à nu une stratégie dont Fio Jasmin est l’exemple parfait de l’homme noir brésilien sur son terrain accidenté pour celles qui succombent à un désir et un amour partagés.
Conceiçao Evaristo, sans souligner l’adamisme ou non d’un tel héros, décrit la manière d’être toujours le « tombeur de ses dames » sans forcément avoir conscience de sa responsabilité. Son don-bien juanisme est plus qu’une pathologie : un tic quasi sociétal.
Il fait partie des meubles au Brésil – mais pas seulement : pensons à certains pays de l’Amérique centrale et de l’Afrique. Bref, il est non seulement le précurseur mais le symbole d’une fantasmagorie des femmes et de leur réalité. Elles le racontent dans ce livre pour évoquer la traversée de l’irrésistible bellâtre. Il renvoie ses amantes (souvent laissées douloureuses) à sa propre guise, histoire de prouver à tous et toutes ce qu’il est capable d’agir. Chacune de ses amoureuses devient un palais idéal mais provisoire.
Les dupes du dupeur sont le sparring-partner d’un tel héros qui incarne les complexités de la masculinité. Conceiçao Evaristo semble pratiquement trop bonne à son égard. Aux beaux jours de Fio Jasmin — plus que ceux de ses compagnes –, il fermente son cocktail d’amour et d’infidélité. Cette dernière est plutôt « une pierre dans son caillou » d’un un tel facteur-taureau, quasi Minotaure en quelque sorte.
jean-paul gavard-perret
Conceiçao Evaristo, Chanson pour bercer de grands garçons, Editions des femmes — Antoinette Fouque, Paris, 2024, 140 p. — 14,00 €.
Bonjour ! Cette autrice me fait de l’œil, j’ai bien envie de m’y mettre !!