L’île des esclaves (Marivaux / Stephen Szekely)

Frin­gante édification

Des ten­tures ornent le fond de scène ; d’autres jonchent le sol et recouvrent des corps parais­sant inani­més, tan­dis que des bruits de vagues se font entendre. Quand le spec­tacle com­mence, les corps gisants se meuvent avec force ges­ti­cu­la­tions, dans un bruit d’orage : les comé­diens émergent du sol en une cho­ré­gra­phie du nau­frage.
La pre­mière par­ti­tion pré­sente la situa­tion ; en vertu d’un pou­voir sur­na­tu­rel, Tri­ve­lin explique que la pré­sence sur l’île impose une inver­sion des rap­ports de classe : le maître devien­dra ser­vi­teur du ser­vi­teur. La scène est repro­duite concer­nant la maî­tresse et la ser­vante, non sans un rap­pel un tan­ti­net miso­gyne de l’infériorité de genre. Les acteurs sur­jouent, excel­lant dans leur par­ti­tion de luci­dité extravagante.

Le spec­tacle est pré­senté comme une comé­die musi­cale iro­nique. C’est une farce aux accents tapa­geurs mais pas rava­geurs à laquelle on assiste. Au lieu d’une satire poli­tique, il semble qu’on ait affaire à un conte plai­sant et enjoué, ris­quant d’être vidé de sa por­tée. Car les dia­logues, un peu pesants, sont empreints de solen­nité, même si le pro­pos est désa­morcé par la légè­reté de la mise en scène.
Il faut attendre le dis­cours de Cléan­tis pour que se déve­loppe une cri­tique des pri­vi­lèges au pro­fit du cœur et de la valeur de l’honnêteté. Encore l’effusion qui occa­sionne la libé­ra­tion de l’île ne semble aucu­ne­ment fon­da­trice : pas de ren­ver­se­ment des valeurs en pers­pec­tive. On est donc enchanté par l’interprétation, notam­ment de Marie Lon­ja­ret, mais per­plexe à l’égard de la pré­va­lence de l’humour, qui estompe la por­tée poli­tique de la pièce.

chris­tophe giolito 

 

L ’ î l e   d e s   e s c l a v e s 

d e   M a r i v a u x 

Mise en scène Ste­phen Szekely

Avec Laurent Caza­nave ou Michaël Poth­li­chet, Bar­thé­lemy Guille­mard, Lucas Lecointe, Marie Lon­ja­ret et Lyse Moyroud. 

Créa­tion musi­cale et sonore Michael Poth­li­chet ; cho­ré­gra­phie Sophie Meary ; lumières Jona­than Oléon ; scé­no­gra­phie Juliette Chapuis.

Au Lucer­naire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris 01 45 44 57 34

Théâtre noir, du 3 avril au 2 juin 2024, du 3 avril au 5 mai 2024 à 20h du mardi au samedi, à 17h le dimanche et du 8 mai au 2 juin 2024 à 20h du mer­credi au samedi et à 17h le dimanche.

Pro­duc­tion Groupe EDLC, Les Échap­pés de la cou­lisse. Copro­duc­tion Le Sel, 3A prod.

Par­te­naires Les villes de Sèvres et Boulogne-Billancourt, Dépar­te­ment des Hauts-de-Seine.

Sou­tiens ADAMI, Théâtre l’Azimut-Chatenay Mala­bry, La Région Île-de-France.

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