À la recherche du paradis perdu…
Le 5 avril 1948, Rose, une prostituée, quitte ses collègues car elle a gagné un voyage extraordinaire à un jeu-concours.
Un homme des services vétérinaires de la ville récupère un chat pour le protéger de la rage.
Dans le bâtiment Air France tous les gagnants se retrouvent, enchantés de leur bonne fortune. Ils doivent embarquer sur un Latécoère qu’ils vont retrouver après un voyage en train de nuit.
C’est donc le 6 avril que l’hydravion décolle à destination de Fort-de-France. Le lendemain, à l’hydrobase des Hourtiquets, un contrôleur est inquiet. Cela fait presque deux heures qu’il est sans nouvelles de l’appareil alors que le radio doit faire le point toutes les heures. C’est à 16h15 que le Latécoère, son équipage et ses quarante-quatre passagers, est officiellement porté disparu.
L’action se décale de plus de trois ans en arrière où deux hommes sont encore plongés dans les batailles de la Seconde Guerre mondiale. Puis c’est la paix et les activités qui reprennent. Trois personnes, soudées par le passé, mettent au point une action qui amène à ce vol et à sa disparition…
Le récit embrasse plusieurs périodes, effectue de nombreux allers-retours dans le passé pour éclairer quelque peu la situation de départ, expliciter le présent. Et celui-ci est assez fabuleux compte tenu des circonstances. Jack Manini imagine une histoire où cohabite une belle dose d’humanisme, de sentiments, mais aussi de tensions, de coups de force et… de surprises. C’est également un bel hommage à ce Latécoère, le plus grand et le plus luxueux hydravion jamais construit en France. Il occupe une place importante, que ce soit dans le passé comme dans le présent.
Pour saisir l’intrigue et ses possibles développements, il faut se remémorer que celle-ci se situe pendant la fin de la Seconde Guerre mondiale et les premières années de paix. Mais ces années étaient encore très marquées par le récent conflit. De plus, la puissance du Parti communiste était culminante, ayant une aura avec ses actions dans la Résistance et dans les combats menant à la victoire des Alliés.
La mise en images se partage entre Michel Chevereau pour un dessin réaliste et Jack Manini pour les couleurs. Les personnages sont mis en valeur, souvent en gros plan pour exprimer avec plus de force et de conviction leurs sentiments. Bien exposés, les protagonistes sont dynamiques et bougent avec élégance. Les décors sont précis, détaillés et les vols, mettant en scène l’hydravion, sont assurés. La mise en pages est chargée en énergie.
Les couleurs retenues illustrent l’époque, les teintes portées et utilisées alors. Eles renforcent la perspective du dessin.
L’album est complété par un dossier de huit pages consacré à ce Latécoère 631 que l’on disait : “Large comme la tour Eiffel, haut comme le Trocadéro.” Une information est donnée sur le musée de l’Hydravion à Biscarosse.
Ce Bon voyage ? se découvre avec un grand plaisir pour une intrigue présentée de façon peu commune, combinant Histoire, actions sociales, cadre politique et quelques espaces sentimentaux.
serge perraud
Jack Manini (scénario et couleurs) & Michel Chevereau (dessins), Bon voyage ?, Bamboo, label “Grand Angle”, mai 2024, 80 p. — 16,90€.