Eugenia Almeida, La Casse

Quand un équi­libre précaire…

Le titre prend tous ses sens pour défi­nir le contexte du roman. L’auteure ins­talle son récit dans une ville d’Amérique latine, une cité qui n’est pas nom­mée mais qui poten­tiel­le­ment doit se situer en Argen­tine, natio­na­lité d’Eugenia Almeida. Elle ins­talle une varia­tion de la para­bole rela­tive au bat­te­ment de l’aile du papillon. En effet, elle décrit, avec une belle fougue, les consé­quences d’actes ano­dins, de déci­sions prises sans concer­ta­tion tant elles semblent aller de soi.
C’est ainsi qu’on peut voir, au-delà de l’intrigue du thril­ler, une fable sur les consé­quences d’actes accom­plis machi­na­le­ment sans atta­cher d’importante. Elle ins­talle une gale­rie de pro­ta­go­nistes aux carac­tères com­plexes, aux sen­ti­ments contra­dic­toires, mais pour cer­tains, très atta­chants. Elle tisse des liens sub­tils, des rap­ports ten­dus entre les uns et les autres, mon­trant une chaîne de rela­tions plus ou moins conflic­tuelles. Mais plus le récit avance, plus les acteurs du drame plongent dans la vio­lence, une vio­lence qui, comme un tsu­nami, va défer­ler sans rete­nue. Une écri­ture ner­veuse, pri­vi­lé­giant des dia­logues per­cu­tants, donne un ton par­ti­cu­lier, attrac­tif, attrayant, addictif.

Durruti fait face à Noriega. Ce der­nier a tué deux gamins qui vou­laient se la jouer. Dur­ruti le force à s’exiler sinon il tuera ses enfants. Dur­ruti gère une casse auto­mo­bile et par­ti­cipe au main­tien d’un fra­gile équi­libre entre léga­lité et cri­mi­na­lité, entre délin­quance et pro­bité. Il a un jeune frère, Nene, qui compte énor­mé­ment pour lui.
Lau­cha tra­vaille pour lui, fait vivre sa sœur atteinte d’un can­cer et Fras­quito, son neveu. Celui-ci lui cause quelques sou­cis car il deale de façon bien mal­adroite.
Lan­bro, le chef de la police, mène ses troupes avec un art cer­tain de la diplomatie.

Sara­via, qui tra­vaille à l’université, découvre le lundi un mes­sage ano­nyme sur sa luxueuse voi­ture. Il est ques­tion de la fidé­lité de Sil­vina, son épouse. Le mer­credi un nou­veau mes­sage met en doute l’occupation de l’épouse. Le doute, la sus­pi­cion, s’installent dans son esprit.
Pichón, le jeune pro­tégé de Nene, veut faire du zèle. Il vole le magni­fique coupé de Sara­via. C’est le début d’une suc­ces­sion de petits actes qui vont ame­ner un chaos total quand le pro­prié­taire de la voi­ture volée recon­naît une pièce, qu’il dépose plainte à la police…

Euge­nia Almeida montre, avec ce roman noir à sou­hait, une radio­gra­phie d’une ville, d’un ensemble d’individus aux désirs dif­fé­rents, où des des­tins bri­sés se heurtent. C’est une vision acé­rée d’un équi­libre déli­cat construit entre mafieux, poli­ciers et poli­tiques au plus haut niveau.
La lec­ture de ce livre est impressionnante !

serge per­raud

Euge­nia Almeida, La Casse (Desar­ma­dero), tra­duit de l’espagnol (Argen­tine) par Lise Bel­per­ron, Édi­tions Métai­lié, coll. “Biblio­thèque hispano-américaine — Noir”, avril 2024, 208 p. — 20,00 €.

Leave a Comment

Filed under Pôle noir / Thriller

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>