La lieutenante Lucia Guerrero et le sergent Arias, tous deux de l’UCO — Unité Centrale Opérationnelle — ont été dépêchés en Galice pour résoudre l’affaire des Séquestrées de Galice. Ces femmes, des ouvrières, sont enlevées tôt le matin alors qu’elles se rendent à leur travail. Elles sont gardées cinq jours avant d’être tuées et abandonnées selon un rituel.
Lucia et Arias sont devant le corps de la troisième victime. Elle a une paire de ciseaux plantée dans le cou à hauteur de la carotide et près d’elle un petit tamis, un rosaire et trois têtes d’ail. Un enfant dit avoir vu celui qui a fait cela. Lucia pourchasse un géant qui se volatilise sous ses yeux. C’est à ce moment que son chef lui ordonne, fermement, de rentrer immédiatement à Madrid.
Il l’attend et lui montre la photo de Marta Lillán, une des femmes les plus riches d’Espagne. Celle-ci a été retrouvée le corps coupé en deux, pendu à un lustre dans son penthouse, en ville. Le bas du corps est dans sa résidence d’été, là où elle a été découpée.
Lorsque Lucia fait remarquer qu’elle est déjà bien occupée en Galice, son chef fait état de la volonté du ministre qui fait de ce meurtre une affaire prioritaire. Lucia est révoltée. Le meurtre d’une femme riche est plus important que ceux de trois femmes du peuple en province.
Or les enjeux qui vont se dévoiler à la lieutenante sont vertigineux. Mais, quand elle reçoit à son tour des messages d’un expéditeur inconnu…
Pour ce nouveau roman, le second avec cette héroïne lieutenante dans la police espagnole, l’auteur conjugue les parcours sanglants de deux tueurs évoluant dans deux univers bien différents. Pour l’enquêtrice, ce sont deux traques dans lesquelles les menaces sont bien tangibles.
Comme à son habitude, il documente ses intrigues d’une façon passionnelle, méticuleuse. Pour ce livre, il s’est rendu en Galice repérer les décors de son récit, pour contacter des personnes qui œuvrent dans le domaine dont il veut faire son sujet. Ainsi, il a rencontré le colonel chef de l’Unité Centrale Opérationnelle, des enquêteurs qui travaillent dans le même service que son héroïne. Ila glané, ainsi, mille détails, s’est imprégné des lieux, des atmosphères pour les restituer dans le cours de son récit. Il donne de cette manière une réalité à sa fiction, proposant une histoire la plus plausible possible.
Avec cette nouvelle héroïne dont on a pu faire la connaissance dans Lucia (XO Éditions — 2022), il met en scène une femme attachante, au caractère affirmé, coriace, d’une grande empathie vis-à-vis des victimes. Elle-même a été meurtrie et le romancier lève un peu le voile sur ses blessures.
Ce livre, bien qu’il soit d’abord un thriller aux multiples rebondissements, porte en filigrane deux grands faits sociétaux, la violence faite aux femmes et le traitement inique de la mort selon le montant de son compte bancaire. Si, sur les lieux du meurtre de cette dame super riche, bien que cela ne justifie pas ce qui lui est arrivé, il y a pléthore de personnalités, jusqu’à un ministre, personne ne se déplace pour saluer la dépouille des ouvrières assassinées.
N’est-ce pas aussi un des rôles des romanciers d’être à l’écoute du monde, des faits de société et de distiller dans leurs fictions des éléments du réel, de pointer des dysfonctionnements? Minier intègre toujours, car c’est un domaine qui le passionne, des liens nombreux avec le monde de l’art. Ici, il laisse une belle place à l’art moderne, l’art contemporain.
Avec cette enquêtrice pugnace, au caractère trempé, une intrigue au cordeau, Bernard Minier offre un superbe thriller de plus, le douzième, mais on ne s’en lasse pas.
serge perraud
Bernard Minier, Les effacées, XO Éditions, coll. “Thrillers”, avril 2024, 416 p. — 22,90 €.