Superpositions du missionnaire hérétique : entretien avec Rohan Graeffly

Chez Graef­fly les miroirs ne sont pas haut tain si bien qu’ils laissent voir leur au-delà. Fai­sant égoût de son ego, le belge — fidèle à sa qua­lité d’irrégulier des langues — sait que Dieu et Marx étant mort et tous les che­mins menant à rien, l’art est un concept qui jette son frac aux orques-idées. Pas­sant celles qu’on nous accorde aux pertes plus qu’au pro­fit, l’artiste cherche la paille cachée dans une meule d’aiguilles. Mais ne s’arrête pas en si bon che­min. Il crée l’élévation des tro­gnons (en bois sculpté et peints à la main) plus que des pommes d’Adam et Eve, il ras­semble des par­paings gra­vés d’or fin en vue de la lévi­ta­tion d’une tour d’anti-connaissance.
Ce qui ne l’empêche pas plus de faire de son ate­lier un bric-à-brac de spa­ra­draps usa­gés, de lits-cornes, de pères manants, de crânes de chat, de balles de ten­nis éven­trées dans le but de créer des beau­tés far­cesques et mons­trueuses où se dis­sout le nar­cis­sisme du monde. Entre sérieux et délire, mémoire et futu­risme, le réel en prend un sacré coup au moral. Mais cela le régé­nère car il a besoin d’utopie plus que d’objets utiles. C’est pour­quoi chez Graef­fly les pelles ne se roulent plus mais deviennent ano­rexiques. Cer­tains les appellent Aga­tha et d’autres à gâteaux. Ce qui peut sem­bler un comble étant donné leur maladie.

 auto­por­trait, titre: Halve en Halve — 2013 des­sin à l’encre pig­men­taire sur papier Can­son for­mat A3

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le débor­de­ment de ma vessie.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Une longue thérapie.

A quoi avez-vous renoncé ?
Au pire pour trou­ver meilleur

D’où venez-vous ?
C‘est com­pli­qué, mais je me sens belge.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Rien.

Qu’avez-vous dû “pla­quer” pour votre tra­vail ?
Pour ma paix inté­rieure mon ex-femme.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
La bière trappiste.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Dites-le moi …

IRIS II, Sculp­ture, Livre découpé, bois noir peint contre­collé sur papier Stein­bach 320gr 25/25cm

Quelle fut l’image pre­mière qui esthé­ti­que­ment vous inter­pela ?
« L’introuvable » de Mar­cel Mariën.

Et votre pre­mière lec­ture ?
« Alice in Won­der­land » de Lewis Carrol.

Com­ment pourriez-vous défi­nir votre tra­vail sur le corps des ani­maux et leurs “pro­messes” ?
Une éter­nelle quête.

Quelles musiques écoutez-vous ?
On va de Steve Reich à Sepul­tura en pas­sant par des notes de Bach.

Quel est le livre que vous aimez relire ? 
” L’histoire de l’œil” de Bataille, je le relis souvent.

Quel film vous fait pleu­rer ?
Toutes sen­si­ble­ries ouvrent la fontaine.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Un père qui vieillit.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Aux défunts.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Je ne suis pas atta­ché aux lieux.

Quels sont les artistes dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Mar­cel Mariën, Duchamp, Ropps, Les Krims …

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un bon pour une grasse matinée.

Que défendez-vous ?
Le libre arbitre.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
C’est bien là tout le fait de l’amour.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?”
Non, peut-être ?

Quelle ques­tion ai-je oubliée de vous poser ?
Si j’ai été bien sage…

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 29 jan­vier 2014.

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