Sylvain Vallée & Jacky Schwartzmann, Habemus Bastard — t.01 : “L’Être nécessaire”

La sou­tane est-elle aussi effi­cace qu’un gilet pare-balles ?

Jacky Schwartz­mann et Syl­vain Val­lée asso­cient leur talent pour une his­toire aty­pique. Ils placent un indi­vidu qui, bien loin de la reli­gion, de ses pra­tiques, est dans une situa­tion de sur­vie. Les habits qu’il a endos­sés lui imposent des res­pon­sa­bi­li­tés qu’il doit assu­mer alors qu’il ignore tout des codes. Cela donne un récit qui relève à la fois du roman noir avec le monde des truands et une comé­die riche en facé­ties avec, par exemple, les adap­ta­tions des concepts reli­gieux. Ainsi, il expé­die la messe en dix minutes, fait un prêche avec des idées peu ortho­doxes, fait du confes­sion­nal un lieu de par­don bien cha­ri­table. Paral­lè­le­ment, il rend ser­vice à des per­sonnes dans la détresse mais trouve des solu­tions assez éloi­gnée des pré­co­ni­sa­tions d’une l’Église catho­lique.
Même si Jacky Schwartz­mann habite la Franche-Comté, le choix d’une petite ville sise dans les Ter­ri­toires (nou­velle appel­la­tion de la Pro­vince pro­fonde) donne pour le récit un côté exo­tique à cette sorte de wes­tern urbain. Paris, Mar­seille, sont trop uti­li­sées, trop bana­li­sées alors qu’au fin fond des val­lées on trouve des per­son­nages sin­gu­liers, mer­veilleux.
La mul­ti­tude des situa­tions aux­quelles est confronté Lucien offre une belle gamme de péri­pé­ties que les auteurs ne se privent pas d’exploiter. En effet, très vite, ils vont explo­rer une suite de rebon­dis­se­ments du plus bel effet.

Tout com­mence dans un hôtel lyon­nais, sous Four­vière, quand Lucien, un homme de main, com­met une erreur. Il doit abso­lu­ment se mettre à l’abri. Il revêt la sou­tane qu’il trouve dans la chambre de celui qui vient de mou­rir. C’est ainsi qu’il débarque à Saint-Claude, une ville du Jura, sous le nom de Père Phi­lippe. Il est accueilli par le Père Clé­ment qui lui fait visi­ter les outils de son sacer­doce, l’église, le pres­by­tère. Sur ce, le Père Clé­ment s’en va, attendu à Lons-Le-Saunier, lais­sant un Lucien bien embar­rassé. Celui-ci, cepen­dant, avec le télé­phone de Phi­lippe, le vrai, tente de désa­mor­cer le dan­ger qui plane.
Et il fait connais­sance de dif­fé­rents parois­siens qui vont l’aider. Une gamine le perce à jour dès les pre­miers ins­tants… en le voyant cacher une arme sous l’autel ! Et ceux qui veulent se ven­ger de Lucien ne res­tent pas inactifs…

Le des­sin tout en ron­deurs de Syl­vain Val­lée fait mer­veille pour mettre en images ce récit. Il campe des per­son­nages attrac­tifs, bien ancrés dans la réa­lité. Les décors sont fouillés, bien dans l’esprit de l’intrigue, avec une grande variété. Tou­te­fois, l’église dont il des­sine la façade en page 10, puis l’intérieur en page 16, pré­sen­tée comme un édi­fice de Saint-Claude, se situe, en fait, à une qua­ran­taine de kilo­mètres, dans la petite ville d’Orgelet. Mais Syl­vain Val­lée a bien fait de la prendre pour modèle, elle est assez excep­tion­nelle avec son clo­cher for­ti­fié.
Elvire de Cock signe une mise en cou­leurs effi­cace, jouant avec des teintes sombres, des ouver­tures colo­rées pour mettre en avant des situa­tions drolatiques.

Un pre­mier tome attrac­tif en diable pour cette com­bi­nai­son par­faite entre une atmo­sphère de roman noir et une large part de comé­die. C’est un régal d’autant que la suite est annon­cée pour octobre, un délai que l’impatience va pou­voir maîtriser.

lire un extrait

serge per­raud

Syl­vain Val­lée (scé­na­rio, dia­logues, adap­ta­tion, mise en scène et des­sin), Jacky Schwartz­mann (scé­na­rio et dia­logues) & Elvire de Cock (cou­leurs), Habe­mus Bas­tard — t.01 : L’Être néces­saire, Dar­gaud, mai 2024, 88 p. — 19,90 €.

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