Odile Bouhier, De mal à personne

Les débuts de la police scientifique

En sep­tembre 1920, le com­mis­saire Vic­tor Kol­vair passe quelques jours de vacances chez sa sœur en pen­sant à Bianca. Mais, rêve­ries et vacances sont inter­rom­pues quand il reçoit un appel télé­pho­nique de son adjoint. Fir­min Dutard, patron d’une usine d’automobiles, a été poi­gnardé au Grand Hôtel. Sur place, Kol­vair dis­pose de peu d’indices. Le méde­cin légiste estime que le cou­teau uti­lisé est d’un modèle cou­rant. Mais, il constate que les coups, por­tés de bas en haut, font pen­ser à un indi­vidu de moins de un mètre trente. Par ailleurs, le corps pré­sente des traces de syphi­lis et des cica­trices de pso­ria­sis.
L’affaire prend un tour déli­cat quand un jour­na­liste relance le débat sur la peine de mort, asso­ciant l’assassinat de l’industriel et l’arrivée de Dei­bler, le bour­reau en titre, pour une exé­cu­tion publique. Le per­son­nel de l’hôtel, inter­rogé, relate la pré­sence d’un enfant sur les lieux, au moment du meurtre. Grâce aux fichiers anthro­po­mé­triques d’Alphonse Ber­tillon, un gamin est iden­ti­fié. Bien que celui-ci pos­sède un alibi, il est envoyé par le pro­cu­reur, tout heu­reux d’avoir un cou­pable, dans une colo­nie péni­ten­tiaire. Mais ce juge­ment hâtif ne satis­fait ni Vic­tor, ni son adjoint, ni Bianca, qui conti­nuent l’enquête.

L’auteure reprend les prin­ci­paux per­son­nages de son pre­mier roman, Le Sang des bis­tan­claques. On retrouve, ainsi, Vic­tor Kol­vair, uni­jam­biste, res­capé des tran­chées de 14/18, le pro­fes­seur Hugo Sala­can, res­pon­sable du pre­mier labo­ra­toire scien­ti­fique de la police, et Bianca Ser­rag­gio, une psy­cho­pa­tho­lo­giste au carac­tère affirmé. Ils sont entou­rés de seconds rôles convain­cants, ins­pi­rés, pour la plu­part, de per­son­nages authen­tiques ayant œuvré à cette époque. Odile Bou­hier raconte, à tra­vers les enquêtes menées par ses héros, la nais­sance de la police scien­ti­fique, les tâton­ne­ments, les avan­cées de ces pion­niers qui ne dis­po­saient que de moyens tech­no­lo­giques et ration­nels bal­bu­tiants dans ce domaine.
La roman­cière construit son intrigue sur un crime aux motifs mys­té­rieux, sur la façon expé­di­tive qu’avaient cer­tains poli­ciers et magis­trats pour régler les affaires. Elle relate aussi les luttes entre les ser­vices, les ambi­tions des uns et des autres au détri­ment d’une jus­tice équi­table. Elle expli­cite le fonc­tion­ne­ment, à l’époque, d’une jus­tice des mineurs prompte à les envoyer au bagne. Elle met l’accent sur les condi­tions d’enfermements des enfants dans ces mai­sons de redres­se­ment, sou­mis à des sur­veillants détra­qués et sadiques.
Avec De mal à per­sonne, Odile Bou­hier confirme son art de roman­cière et déve­loppe un uni­vers pas­sion­nant tant pour le cadre que pour l’empathie que dégage les héros.

serge per­raud

Odile Bou­hier, De mal à per­sonne, Édi­tions 10/18, coll. « Grands Détec­tives », jan­vier 2014, 216 p. – 7,10 €.

 

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