Mylène Besson, Grand format ou les hommes debout

Mylène Bes­son — grands formats

Il existe dans le corps de mâle un trouble ini­tial. Il y eut du “elle” en lui sans avoir besoin d’en dépla­cer les symp­tômes. L’Homme était habillé en bar­bot­teuse et qua­si­ment en fille. Incons­ciem­ment dans ce para­doxe il se rap­pro­chait par atti­rance de la femme sans aucun pro­blème pour se confor­mer au même — autant par la société et la culture que la “nature”.
II apprit la plus fas­ci­nante défaillance (d’un manque) et son aiman­ta­tion. La femme devint son “médi­ca­mant”. Tout l’a orienté vers un irré­duc­tible centre en ris­quant de se perdre, de dis­pa­raître dedans, dans le trop, un trop dans lequel il a connu sa dif­fé­rence nécessaire.

Il assuma son “je suis” en trou­vant son com­plé­ment ou son exten­sion chez la femme. Sans elle, revien­drait la parole chris­tique : “Par­donne lui, mon dieu, il ne sait pas ce qu’il dit et fait”. Sa mère ne l’a pas mis dans le doute. Elle l’a laissé “bar­bo­ter” à sa guise même si les femmes l’ont fas­ciné. Noir soutien-gorge de den­telles, noire culotte de l’époque fai­saient déjà dres­ser son sexe et son incons­cient. Cela vint du cœur. Du ventre. Voire par­fois de la honte (reli­gion). Mais le désir était insa­tiable. Qu’il espéra qua­si­ment sans com­men­ce­ment ou fin.

En cette œuvre monu­men­tale de Mylène Bes­son une géo­gra­phie cor­po­relle inédite pro­pose l’homme nu. L’anatomie au phal­lus joue de la faille espé­rée et des insignes des deux genres (fémi­nin et mas­cu­lin). Au spec­tacle se pose de manière induc­tive le « qui mange qui ? ». Cela n’oppose pas un désir de trans­for­ma­tion et de méta­mor­phose mais du com­plé­ment au moment où la fixité de l’identité mas­cu­line s’établit. Et ce, par l’adjonction d’une « greffe » qui ouvre au partage.

Exit la déréa­li­sa­tion du fémi­nin face à la pré­sence d’une fécon­dité de vie là où les cli­vages ou le brouillage du trouble iden­ti­taire dis­pa­raissent. Le fémi­nin pro­pose une pro­jec­tion du mas­cu­lin : la réa­lité se construit dans cette œuvre où nous sommes loin de la cruauté ou de l’exhibition “sadique”. Appa­raît un nou­vel échange entre les sexes en attente d’accomplissement et qui doit offrir la vraie mesure de l’humain là où le réprimé ne serait plus refoulé et vien­drait mettre à mal les cli­vages sur les­quels des cutures déclinent par­fois des dicho­to­mies fac­tices, tor­dues, mal assumées.

L’artiste montre de facto un autre fonc­tion­ne­ment du corps et non une patho­lo­gie de l’écart ou une illu­sion d’optique. Être homme devient une des­ti­née. Du désir de la femme sur­git le jeu d’un amour d’abord rêvé. Les hommes de la créa­trice sont à la fois consa­crés et consa­crants en une dia­lec­tique de la com­plé­men­ta­rité.
Le nu signe la for­ma­tion du sexe et du désir altier. En émane un excès : c’est le sexe. Il fut le pre­mier excès. Nul besoin à la créa­trice de pous­ser plus loin, de péné­trer plus à fond, de faire jouer des alté­ri­tés sans doute inalié­nables. Par son tra­vail, elle ne maquille pas l’angoisse de la cas­tra­tion : le corps annonce la prise hors de sa peur du mor­cel­le­ment et de la perte.

L’œuvre tra­hit de la sorte l’appel à un déve­lop­pe­ment har­mo­nieux et à une irré­mé­diable jonc­tion en attente d’un par­cours phy­sio­lo­gique, tem­po­rel, ori­gi­naire. Il n’existe plus de peur de l’explosion et de l’envahissement de l’autre. Les deux corps gen­rés se font déjà signes. Tout est déjà là dans le silence et le sou­rire des yeux : là, l’immense et l’intime. De telles images font le reste.

jean-pau gavard-perret

Mylène Bes­son, Grand For­mat, 2024, Voir son site, pro­chaine expo­si­tion et publi­ca­tion à venir.

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