Roger Perret, Moderne Poesie in der Schweiz

Les sin­gu­liers plu­riels de la poé­sie suisse

Cette remar­quable antho­lo­gie de la poé­sie hel­vé­tique s’ouvre avec une incon­nue : Constance Schwartzlin-Berberat . La poé­tesse passa la majeure par­tie de sa vie en asile psy­chia­trique où elle rédi­gea 24 « Cahiers » de textes cal­li­gra­phiés. Le livre se ter­mine avec quelques mots uto­piques d’une autre poé­tesse : la Zuri­choise Svenja Herr­mann : « Le poème sans le noir de l’encre / cette res­pi­ra­tion sur la sur­face blanche / devrait exis­ter ». Ce texte comme les des­sins qui ponc­tuent l’ouvrage prouvent que la poé­sie est une expé­rience aux fron­tières des langues et s’affranchit du poids du Logos.
L’originalité d’un tel pro­jet tient par la qua­lité de son auteur. Roger Per­ret n’est pas un uni­ver­si­taire « spé­cia­liste ». Edi­teur, jour­na­liste, il est res­pon­sable du pro­jet Arts scé­niques et Lit­té­ra­ture auprès de la Direc­tion des affaires cultu­relles et sociales de la Fédé­ra­tion des Coopé­ra­tives Migros. Son choix est guidé non par le but d’offrir un flo­ri­lège des « per­so­nae gra­tae » mais de pro­po­ser une idée de la poé­sie autre que celle des cœurs bri­sés. Si les grands poètes suisses (Robert Wal­ser, Erika Bur­kart, Phi­lippe Jac­cot­tet, Gior­gio Orelli) ne sont pas oubliés, l’auteur ose ce qui n’est pas pure­ment conven­tion­nel : On ne fait pas des antho­lo­gies avec des antho­lo­gies, écrit-il dans sa post­face. Et l’approche chro­no­lo­gique choi­sie n’empêche pas une vision ciblée et per­ti­nente du genre.
D’un pays où avec Dada l’avant-garde prit son essor à coup d’écritures expé­ri­men­tales, Per­ret monte judi­cieu­se­ment en épingle les esprits nova­teurs, les cher­cheurs de nou­velles formes même s’ils furent lais­sés dans l’ombre. Tra­vaux avant-gardistes et poé­sie concrète sou­lignent tout un pan de la poé­sie suisse encore vivante (avec Felix Phi­lipp Ingold, Eli­sa­beth Wandeler-Deck par exemple). On retien­dra de cette somme consi­dé­rable celui qui à lui seul syn­thé­tise les goûts et les canons esthé­tique de Per­ret comme l’originalité de la poé­sie suisse : Mar­cel Miracle.

Pour la pre­mière fois, le nom de ce créa­teur à la fois scien­ti­fique, méta­phy­si­cien et artiste figure dans une antho­lo­gie. Face à la dis­pa­ri­tion et l’absence, Mar­cel Miracle (dont les deux véri­tables ini­tiales M et M sont « ornées » des lettres en vrac du mot arc-en-ciel) fait de sa vie et de son œuvre une recherche poé­tique et exis­ten­tielle où terre et ciel se trouvent en rela­tion micro et macro­cos­mique. Et ce non par la seule spé­cu­la­tion de l’imaginaire. Etant géo­logue, il va sur le ter­rain véri­fier ses hypo­thèses sur les traces de Lowry comme de Pérec afin  de répondre à la ques­tion du sens dont la poé­sie devient l’enquête filée. « Cher­cheur de trans­pa­rence », il en res­ti­tue les traces, les secrets et cer­taines clés par le texte, le gra­phisme, l’image. Son œuvre sait consi­dé­rer l’énigme du monde. Lequel rayonne sou­dain d’une lumière que le poète fait vibrer. Là où les mots semblent se taire, jaillit ce qui reste à dire. Qu’ajouter de plus sinon que Miracle est merveilleux ?

jean-paul gavard-perret

Roger Per­ret, Moderne Poe­sie in der Schweiz  (tri­lingue), Lim­mat Ver­lag, Zurich, 2014, 640 p. — 60,00 €.

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