En 2018, au cinéma, Jacques Gamblin a interprété, bouleversé, le Facteur Cheval. Il est rentré dans le carcasse de celui, perclus de drames, qui était obsédé par la création de son Palais idéal. Autant pour le remercier et que pour provoquer un Lazare renaissant, il a écrit cette intense lettre. Lue à la radio en 2020 et restée inédite, elle est enfin publiée.
Ses mots se sont infusés dans le rôle qui dessine cette existence paradoxale, mystérieuse, inconnue. Le Facteur Cheval s’est arrimé à la glorification et le rite de la pierre pour la beauté du monde. Le projet monumental trouve par le jeu de Gamblin une autre existence. L’idéal mystique du personnage s’est d’abord révélé en silence. Puis Gamblin épouse la force, la souffrance et l’abnégation de celui qui fit ce qui a permis d’éblouir tant d’yeux sur un tel lieu d’amplitude.
« Pas ou trop peu de plans, d’archives, de restes, d’écrits, de traces de votre passage. Seul votre Palais parle pour vous, de vous, en ces quelques phrases inscrites au creux de la pierre, tantôt poétiques, naïves, fières, emphatiques ou lyriques », écrit Gamblin. L’acteur a senti ce qui est arrivé : à savoir l’ambition discrète et folle d’un créateur de beauté entre ce qui fut et ce qui a été. Dure ici le temps d’une pierre et de ses montages que le corps exsangue de celui qui la métamorphosa exploita dans les plus moindres ressources.
D’où l’extraordinaire site de même que ce livre. Autant d’histoire et de préhistoire nous ramènent dans un temps magique et authentique là où la pierre se déshabille à la lumière par celui qui les tricota grâce à un élan de conviction et d’enthousiasme. Le vieux monde fut devant lui et il le dépassa.
Gamblin fait de même avec cet hommage et bien plus.
jean-paul gavard-perret
Jacques Gamblin, Cher Cheval, Dessins par Sylvain Corentin, Fata Porgana, Fontfroide le haut, avril 2024, 48 p. — 16,00 €.