Au pays des merveilles de Guénane
Chamane (bien plus que sorcière) de la nature, Guénane donne joie et beauté à la sensation poétique. Tout ce qu’elle écrit n’est pas senti comme un savoir-faire mais un dépassement du genre et du terrain (fleuve de sa source à l’océan et tout ce qui l’entoure).
Jamais un tel art n’assassine son talent par la masturbation intellectuelle avec laquelle tant d’auteurs passent leur main. Guénane, à l’inverse, cultive un abandon. Il suit la “circulation de son sang” par son chemin qui “suit le poids de la Légèreté” là où la mélancolie ne se nourrit pas d’illusion et transcende sa propre enfance.
La pointe discrète d’ironie de la poète se mêle à l’hypnose du sens qu’elle crée. Et afin de ne pas pousser les choses en un jardin balisé, elle tresse sa propre langue sans artifices ou entraves vécues en une telle action poétique qui devient aventure seule et unique.
Guénane touche ce qui passe ou s’évanouit par l’évolution de son expression. Elle voltige au-dessus d’elle et de la nature en une sorte de caprice ou passage pour goûter la beauté. Elle est le reflet d’elle-même qui tout éclaire. Preuve qu’une telle poésie est rare, universelle : la simplicité devient la complexité, pour connaître l’intensité de ce qui est.
Bref, Guénane n’asservit rien car elle ne tue jamais le temps, le monde. La joie de créer devient intuitive et prégnante en une écriture d’exception.
jean-paul gavard-perret
Guénane, Sourcellerie, Rougerie, Mortemart, mars 2024, 64 p. — 12,00 €.