Chatouillant sous leurs branches les saules pleureurs, Jérémie Gindre les fait se tordre de rire près des étangs infestés de carpes diem. Tout alors tourne autour de tout l’air de rien. La gravité fait tapisserie dès que l’esprit de l’artiste invente l’impossible ce qui hélas ! peut le renvoyer à la condition de la plupart des oiseaux : comme eux, il ne vit pas forcément de ses plumes. Trop lucide pour suivre partout une femme (ce qui ne mène nulle part), il accorde aux descendantes d’Eve son temps pour des parties de pêche sur le lac Léman car il n’est pas de partenaires plus tentantes que des pécheresses repentantes.
Jérémie Gindre reste le mangeur de fruits du hasard que l’opéra bouffe. Essuyant avec plaisir les injures du temps, il se rassure en estimant que ce dernier n’est qu’un fantasme – du moins dans un univers statiquement parfait. Rameur de bateau ivre sur le Léman il rend son âme humaine apte à l’esprit du vin. Il reste aussi celui qui ayant retourné sa boule de verre pour en agiter les flocons, repose l’univers sur son bureau afin que ses travaux soient autant de bâtons dans la neige.
De J. Gindre : On a eu du mal, Editions de l’Olivier, Paris.
L’artiste est représenté par Chert (Berlin)
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le petit déjeuner, un de mes quatre repas préférés.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils vont bien.
A quoi avez-vous renoncé ?
Au mountain bike.
D’où venez-vous ?
D’un village de la campagne genevoise.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Du soutien.
Qu’avez vous dû “plaquer” pour votre travail ?
Je ne vois pas.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Les biscuits aux noisettes.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Un atelier bien rangé.
Quelle fut l’image première qui esthétiquement vous interpela ?
Sûrement un paysage.
Et votre première lecture ?
Petzi.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Principalement des joueurs de guitare.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Tout John Fante.
Quel film vous fait pleurer ?
“True Grit” des frères Coen.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Un homme qui se brosse les dents, qui se rase, qui se sèche les cheveux.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A une brute.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Les Alpes et l’Ouest américain.
Quels sont les artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
De ceux qui s’aident de l’écrit.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Je fais confiance à mes amis.
Que défendez-vous ?
Disons l’indépendance.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
L’envie de faire plus simple et plus joyeux.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?
Oui.
Quelle question ai-je oubliée de vous poser ?
Alors, ça se passe là ou quoi ?
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 21 janvier 2014.