Eurydice (Jean Anouilh / Emmanuel Gaury)

Un conte cruel et vivifiant

Le spec­tacle com­mence dans le noir, au son du vio­lon. Un père et son fils, atta­chés l’un à l’autre, se pro­mettent de ne pas se sépa­rer. Une mère et sa fille, enchaî­nées l’une à l’autre on ne sait com­ment, font pen­dant. Cha­cune de ces paires consti­tue un couple impro­bable sui­vant une route déjà défi­nie.
Une ren­contre inopi­née entre les deux jeunes gens qui n’attendent rien, qui ne se cherchent pas, qui se trouvent avec la sim­pli­cité d’un regard qui recon­naît, qui n’exige pas, qui s’échange. Tous deux disent leur émer­veille­ment à la troi­sième per­sonne, la magie de leurs aspi­ra­tions secrètes enfin satis­faites. C’est l’occasion de déve­lop­per des para­doxes sur le bon­heur, sur la vie qui nous charme à mesure qu’elle nous échappe. Le texte de Jean Anouilh est frais, alerte, actua­li­sant le mythe d’Orphée et Eury­dice en le situant quelque part dans la France d’après-guerre.

Les dia­logues inter­rogent le fait même de la nar­ra­tion, pro­dui­sant un effet de mise en abyme. C’est une bien belle pièce, une digres­sion sur l’amour, ses fastes et ses tur­pi­tudes. Lorsqu’il s’agit de déci­der, le pro­pos se montre radi­cal : “la vie n’a pas besoin d’intelligence” — au contraire elle sup­pose de se lais­ser sou­mettre dura­ble­ment avec une cer­taine bêtise. Ce qu’on appelle la vie, c’est l’absence, la rou­tine et le condi­tion­ne­ment, fina­le­ment l’acceptation de la dégé­né­res­cence.
Hélas — ou heu­reu­se­ment -, Orphée est déjà trop avisé, il choi­sit la vérité, contre l’aveuglement. En quoi il est réha­bi­lité : sa méprise n’était que luci­dité. Il fal­lait mou­rir pour retrou­ver l’amour.

La repré­sen­ta­tion est dyna­mique et édi­fiante ; elle est ser­vie par une troupe enjouée, colo­rée, qui prend un plai­sir visible à jouer un spec­tacle réjouis­sant et plein d’élan : à la fois léger et fort.

chris­tophe giolito

 

Eury­dice

de Jean Anouilh

Mise en scène Emma­nuel Gaury

Avec Béré­nice Boc­cara ou Lou Lefèvre, Gas­pard Cuillé, Ben­ja­min Romieux, Corinne Zar­za­vatd­jian, Jérôme God­grand, Patrick Beth­be­der, Maxime Ben­té­geat ou Vic­tor O’Byrne ou Pierre Sorais.

Musique Mathieu Ran­nou ; lumières Dan Imbert ; cos­tumes Gue­nièvre Lafarge.

Au Lucer­naire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris 01 45 44 57 34

Du mardi au samedi à 18h30, le dimanche à 15h. Durée 1h10.

Pro­duc­tion Com­pa­gnie du Coli­ma­çon ; co-production Amap Pro­duc­tion ; par­te­naires L’Athénée, Petit théâtre de Rueil-Malmaison, Théâtre de Poche Mont­par­nasse, Théâtre Online, sou­tien ADAMI.

Leave a Comment

Filed under Théâtre

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>