Antonio Manzini, Ombres et poussières

Un grin­cheux attachant !

Anto­nio Man­zini est acteur, réa­li­sa­teur, scé­na­riste et écri­vain. Depuis 2013, il se consacre presque exclu­si­ve­ment à l’écriture des enquêtes du sous-préfet Rocco Schia­vone. Alors qu’Ombres et pous­sières est le sixième opus tra­duit, les lec­teurs ita­liens dis­po­saient de dix volumes en 2022. Une série télé­vi­sée, qui compte cinq sai­sons, est dif­fu­sée depuis 2016. Pour­tant, ce per­son­nage n’a rien du héros flam­boyant, mais il est si atta­chant.
Bien qu’il soit tou­jours bou­gon, façon Jean-Pierre Bacri le regretté, il est inso­lent, incon­trô­lable, pre­nant des ini­tia­tives peu régle­men­taires mais effi­caces. Il fait preuve d’un humour acerbe, grin­çant et appuie là où la société ita­lienne dérape. Il est veuf, a été trans­féré à Aoste, cette région du Nord de l’Italie, une région qui ne res­semble pas à Rome, ville à laquelle il est très atta­ché, où il a offi­cié pen­dant plus de vingt ans avec cette muta­tion pour motifs disciplinaires.

Sur un trot­toir, un homme indé­cis pèse le pour et le contre. Il a peur mais tel­le­ment envie…
Rocco raconte des anec­dotes savou­reuses à Lupa… sa chienne. Lorsqu’il sort de chez lui, il trouve Gabriele qui semble l’attendre. L’adolescent a besoin de lui pour tra­vailler son latin. Pas ravi, le sous-préfet Rocco Schia­vone accepte et l’emmène avec lui au com­mis­sa­riat d’Aoste. Mais très vite il doit se mobi­li­ser pour élu­ci­der le meurtre d’une femme trans­sexuelle retrou­vée étran­glée. Son équipe de bras-cassés ne l’aide guère.
Paral­lè­le­ment, il se retrouve avec la ges­tion de Gabriele qui se cram­ponne à lui, un élève médiocre, har­celé dans son éta­blis­se­ment sco­laire.
Cela devient plus dif­fi­cile encore lorsqu’un cadavre égorgé est retrouvé dans la cam­pagne romaine avec, pour seul papier, une feuille por­tant le numéro du por­table de Rocco.

Le roman­cier pro­pose des enquêtes détaillées qu’il décrit minu­tieu­se­ment. Les inter­ro­ga­toires des nom­breuses per­sonnes donnent lieu à des dia­logues pétillants, tein­tés d’ironie noire. Anto­nio Man­zini fait inter­ve­nir une foule de per­son­nages avec les­quels il pointe une misère morale, phy­sique de ces gens qui souffrent de plaies psy­chiques vio­lentes, de sou­ve­nirs acca­blants. Il étale, éga­le­ment, les dys­fonc­tion­ne­ments de la société ita­lienne.
Il dresse, ainsi, des por­traits tru­cu­lents maniant le lan­gage quo­ti­dien. Il se montre tri­vial, décri­vant des objets, des situa­tions avec le voca­bu­laire adapté. Ainsi il apprend à Gabriele à se défendre de façon effi­cace contre ceux qui le har­cèlent. Il apporte nombre de pré­ci­sions sur des points en rap­ports avec les cas ren­con­trés. Il énu­mère, par exemple, ces opé­ra­tions subies par ce trans­genre pour trou­ver sa vraie personnalité.

Avec Rocco Schia­vone, Anto­nio Man­zini fait don­ner toute sa verve dans une intrigue pas­sion­nante, ser­vie par une foul­ti­tude d’acteurs pit­to­resques. Un vrai plai­sir de lecture !

serge per­raud

Anto­nio Man­zini, Ombres et pous­sières (Pul­vis et Umbra), tra­duit de l’italien par Samuel Sfez, Folio Poli­cier n° 1008, jan­vier 2024, 418 p. — 9,40 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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