Catherine Denis, Journal d’une calligraphe

Cathe­rine Denis : éter­nité de l’éphémère

Cathe­rine Denis explique dans ce livre (superbe) et sous forme de jour­nal com­ment la cal­li­gra­phie pro­vient d’une pous­sée interne. Et ce dans la droite ligne du Moine Citrouille auteur des prin­cipes taoïstes de la pein­ture. L’artiste est par­tie en Extrême-Orient apprendre et com­prendre sa tech­nique (qui est aussi une phi­lo­so­phie). Elle montre com­bien la pré­sence du signe devient une évi­dence. Mais une évi­dence dis­lo­quée, dépla­cée. On peut donc par­ler d’éclats, de tex­tures, de lieux de la répa­ra­tion et de la sépa­ra­tion créés par le geste habi­tée et sa « danse ». Il fait sur­gir un souffle, une éner­gie : le corps s’y épa­nouit au sein d’une abs­trac­tion par­ti­cu­lière. Elle n’a rien d’un simple spi­ri­tua­lisme dans une maté­ria­li­sa­tion de la lumière mais sym­bo­lise par effet d’encre ou de « neige sur main » la pré­sence magique de la réalité.

Cathe­rine Denis ouvre à une alchi­mie du point de vue. La cal­li­gra­phie trans­forme dans une extase « maté­rielle » ce que le regard découvre et que la pen­sée filtre. L’artiste, en consé­quence, ne cesse de dépla­cer et bous­cu­ler réfé­rences et réfé­rents occi­den­taux. Dans la sophis­ti­ca­tion la plus simple pos­sible, il s’agit de conser­ver à la « pein­ture » son désir et son essence d’existence sans la réduire à une appa­rence, à une image. Il convient aussi de gar­der intacte la sen­sa­tion visuelle quasi pri­mi­tive. L’artifice de « conser­va­tion » prend donc une valeur sub­tile et « tex­tu­ro­lo­gique ». Les méta­mor­phoses cal­li­gra­phiques poussent l’éphémère en des lieux d’impénétrables éloi­gne­ments. Un tel tra­vail demande insis­tance et déli­ca­tesse. La pre­mière est néces­saire afin que la seconde ait tous ses attri­buts qui per­mettent de répondre à la ques­tion : pour­quoi les atomes se dispersent-ils ? Mais chez l’artiste ils ne s’envolent pas, comme chez Cha­gall, afin de sou­li­gner une mys­tique éva­nes­cence. L’image crée une autre emprise. Et ’atteint ce que Bau­de­laire nomme “ La dou­ceur qui fas­cine ” mais sans ce qu’il ajou­tait : « le plai­sir qui tue ».

jean-paul gavard-perret

Cathe­rine Denis, Jour­nal d’une cal­li­graphe , Fata Mor­gana, Font­froide le Haut, 2014.

2 Comments

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2 Responses to Catherine Denis, Journal d’une calligraphe

  1. Maya mémin

    MAGNIFIQUE TEXTE…quand les mots rejoignent la pro­fon­deur de l’oeuvre!
    Merci;

  2. Alain Renwick

    J’ai suivi Cathe­rine Denis depuis long­temps en me deman­dant pour­quoi son oeuvre intime, sub­tile, pleine de cet équi­libre orien­tal et de sa recherche esthé­tique n’était pas plus recon­nue au delà de son cercle rap­pro­ché.
    Enfin une recon­nais­sance très lau­da­tive méritée.

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