Spectral spectacle spéculaire
Un bronze énigmatique figurant un chat constitue comme un indice de hiéroglyphes. D’abord sont projetées sur le fond de scène noir des proportions de composants chimiques. Du brouillard nimbe la scène et les premiers rangs de spectateurs. Les vers de Racine sont diffusés en écho, ponctués du tintement d’une cloche.
Il s’agit d’une fresque, dessinée par l’élaboration sonore, agrémentée par les fragments du texte de Racine. Le propos concerne des forces qui s’imposent intimement. L’espace semble se déployer sous l’effet du verbe. Les dires sont mis à distance, par l’esseulement du personnage, par le brouillage des propositions, qui ne valent que comme traces manifestées dans leur précarité du sens qu’ils ont été censé(e)s recéler. Bérénice s’adresse à des objets de notre confort, qui viennent faire contraste avec la solennité de ses déclarations.
A force d’éloigner le verbe, le risque est de séparer les comédiens de leurs rôles et de prendre des distances avec toute signification. Les paroles sont destituées au profit d’un sens diffus, poli et tanné par le son. Les vers imprimés sur le rideau qui entoure la scène procèdent encore du brouillage des codes. Couronnement et allégeance sont des chorégraphies qui laissent la principale protagoniste du spectacle hors-jeu.
La tonalité de la prestation est le plus souvent hypnotique, nourrissant un sentiment d’irréalité constitutive. Les répliques sont données à entendre dans une adresse sans réponse. Dans un jeu précieux, presque Pantomime, Isabelle Huppert invoque des puissances qui la dépassent et décident de son sort. Le sacre de l’Empereur est une violence qui foudroie les êtres qui s’y opposeraient. Il reste à terme des injonctions paradoxales qui disent le retrait de l’apparaître.
christophe giolito
Bérénice
d’après Jean Racine
Conception et mise en scène Romeo Castellucci
Avec Isabelle Huppert, Cheikh Kébé, Giovanni Manzo.
Sénateurs romains: Guillaume Durieux, Marc Grezes-Rueff, Tony Iannone, Andrew Isar, Karl Philippe Jagorel, Simon Legré, Charles Leplomb, Jean-Max Mayer, Sébastien Peyrucq, Nicolas Rappo, Gilles Renaud, Jimmy Roure.
Musique Scott Gibbons ; costumes Iris van Herpen ; assistant à la mise en scène Silvano Voltolina ; collaboration à la dramaturgie Bernard Pautrat ; conception maquillage et coiffure Sylvie Cailler, Jocelyne Milazzo ; sculptures de scène et automations Plastikart Studio Amoroso & Zimmermann ; direction technique Eugenio Resta ; technicien de plateau Andrei Benchea, Stefano Valandro ; technicien lumières Andrea Sanson ; technicien son Claudio Tortorici ; costumière Chiara Venturini ; direction de production Benedetta Briglia, Marko Rankov, production et tournée Giulia Colla ; organisation Bruno Jacob, Leslie Perrin, Caterina Soranzo ; contribution à la production Gilda Biasini ; équipe technique au siège Lorenzo Camera, Carmen Castellucci, Francesca Di Serio, Gionni Gardini ; stagiaire costumes Madeleine Tessier ; doublure répétition Serena Dibiase ; répétitrice Agathe Vidal ; administration Michela Medri, Elisa Bruno, Simona Barducci ; consultant économique Massimiliano Coli.
Au Théâtre de la Ville — Sarah Bernhardt, 2, place du Châtelet 75004 Paris, grande salle
Du 5 au 28 mars 2024, du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h.
Production Societas, Cesena – Cité européenne du théâtre Domaine d’O, Montpellier Coproduction Théâtre de la Ville Paris, France Comédie de Genève, Suisse – Les Théâtres de la Ville de Luxembourg – deSingel International Arts Center, Belgique – Festival Temporada Alta, Espagne – Teatro di Napoli, Italie – Teatro Nazionale, Italie – Thalia Theater Hamburg, Allemagne – Onassis Stegi, Grèce – Triennale Milano, Italie – National Taichung Theater, Taïwan – Holland Festival, Pays-Bas – LAC Lugano Arte e Cultura, Suisse – TAP — Théâtre Auditorium de Poitiers, France – La Comédie de Clermont-Ferrand, France – Scène nationale, France – Théâtre national de Bretagne, France – Yanghua Theatre, Chine Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès.