Un voyage dans le temps original !
Subitement, des murailles invisibles se sont érigées, segmentant la terre en de multiples zones aux évolutions bien différentes. Elles sont infranchissables, sauf avec la technologie développée dans la ville de Nortoc. Trois siècles après le cataclysme, Asphanie, experte en murologie, est chargée de mener une expédition pour découvrir la source d’ondes mystérieuses qui courent le long des murailles depuis peu.
Lino, un homme du XXIe siècle, a survécu mais se trouve en grande difficulté après trois mois de misère. Alors qu’il est à terre, terrassé par son agresseur, il est sauvé par Asphanie et son équipe. Séduite par sa connaissance des temps anciens, trois siècles pour elle, elle l’intègre dans le groupe avec la fonction de géographe. Mais leur progression est sans cesse menacée par des dangers naturels, par des groupes d’humains.
Pour échapper à des mutants, le groupe mené par Prion, qui s’est emparé d’un masque conçu à Nestoc pour repérer les passages, quitte la zone où se trouve Asphanie et se réfugie dans la section dite des Lacs. Il s’installe dans la maison d’une vieille femme. La troupe d’Asphanie, pour échapper aux mutants, se retrouve dans des souterrains envahis par l’eau. Elle progresse prudemment jusqu’au moment où Lino repère un quai. Il éclaire une inscription : Châtelet.
Sortant des couloirs du métro, ils retrouvent le groupe de Prion dont les membres se battent. Ils doivent, pour continuer à progresser, les éliminer…
La conception de ce nouveau monde est attrayante car elle renouvelle avec originalité le thème très classique du voyage dans le temps. Les évolutions bien différentes entre les zones offrent au scénariste la possibilité de créer des temporalités discordantes, un élément supplémentaire pour accroître les obstacles dans la recherche des origines de ce cataclysme.
C’est aussi la possibilité de montrer les évolutions diverses et variées de groupes humains quand il faut reconstruire une organisation, une vie sociale, un langage. C’est l’illustration de régressions de toutes natures, un retour à un stade primitif…L’auteur donne ainsi, à travers le périple, une variété de situations, ne laissant pas la tension baisser entre les divers dangers, pièges, l’obligation de faire face à un retour à la sauvagerie.
Avec Lino, Alex Chauvel livre de nombreuses réflexions. Il interpelle, par exemple, sur le continuum de l’humanité. Notre société actuelle n’est qu’une étape vers une suite indéfinie, improbable compte tenu des dégâts commis par les humains. Il cite, entre autres, les guerres, l’évolution climatique bien sûr, la destruction des cultures tant végétales que sociales, les extinctions de races…
Il mène une belle recherche sur l’évolution des langages avec des raccourcis, des mots scindés, des ajouts de consonnes, d’argot qui donnent un caractère particulier à certains dialogues.
Le graphisme de Ludovic Rio, dessin et couleur, est efficace avec un minimum de traits, laissant la couleur informatisée donner les ombres et la profondeur. Une belle illustration de la page de garde décrit le parcours de l’expédition à travers dix-huit zones.
Ce second tome du diptyque — bien que le dénouement ouvert laisse une belle place pour une suite — est attrayant à tous points de vue.
serge perraud
Alex Chauvel (scénario) & Ludovic Rio (dessin et couleur), Les Murailles invisibles — Tome 2, Dargaud, coll. “Visions du Futur”, février 2024, 92 p. — 17,00 €.